Quelle serait votre profession aujourd’hui si vous aviez suivi vos rêves d’enfant
Astronaute, pompier, ballerine, dompteur de lions ou exploratrice… Que répondiez-vous à la fameuse question « que veux tu faire quand tu seras grande » ? Farfelus ou raisonnables, les désirs de l’enfance peuvent en dire long sur nos ambitions d’adulte.
Métier de rêve : des désirs universels
D’après une étude commanditée par Zety en 2021, les 10 métiers les plus plébiscités par les enfants sont (sans surprise) : professeur, musicien, docteur, star de cinéma, vétérinaire, artiste, athlète, policier, écrivain, chef d’entreprise.
Quels que soient le lieu ou l’époque, on constate en effet que des archétypes communs peuplent l’imaginaire des bambins. Certaines figures (le sauveur, la soignante…) sont intemporelles, observe Patrice Huerre, psychiatre, pour Psychologies magazine, même si elles s’incarnent différemment selon l’air du temps : « Le besoin de s’identifier à un héros, un être exceptionnel, demeure, mais ce héros évolue au fil des générations. Ainsi, le footballeur a remplacé le soldat, le pompier ou le policier, dans le cœur des garçons. »
Comment en vient-on à rêver de sauver le monde ou bien de devenir très riche ? La famille, les camarades de classe ou encore les médias ont bien sûr une influence indéniable sur le fond et/ou la forme de ces vocations enfantines. Car ces rêves sont avant tout « une étape dans la construction identitaire de l’enfant ; ils sont un élément de réponse à la question ‘’qui suis-je ?’’ » souligne Patrice Huerre.
Que deviennent les métiers rêvés quand on grandit ?
Pour la majorité… ils disparaissent ! Cette même étude révèle que plus deux tiers des personnes interrogées n’ont pas réalisé leurs rêves professionnels d’enfants. Et parfois, rien de plus normal.
« Il y a chez les enfants une représentation naïve et manichéenne du monde, et les désirs de métiers sont très en lien avec ces représentations », rappelle Stéphane Claire, psychologue pour enfants. « Quand on grandit et qu’on découvre ‘’la vraie vie’’, ça évolue. »
Il arrive aussi que l’on transforme son désir d’enfant en une vocation plus « réaliste », c’est-à-dire mieux adaptée à sa psyché d’adulte et aux exigences de la société. Si l’on a souffert d’injustice et rêvé de la combattre, on peut donc rester globalement fidèle à son désir d’enfant en devenant, non pas justicier masqué mais magistrat, militant pour une ONG ou encore psychothérapeute pour fournir aux autres l’écoute que l’on aurait aimé recevoir petit, explique Stéphane Claire. « Chacun son propre cheminement. »
Il se peut également que le rêve d’enfant soit oublié, refoulé, et que l’on prenne une direction diamétralement opposée. Vous vouliez devenir océanographe pour parler avec les dauphins ? Vous êtes désormais expert-comptable dans une multinationale.
« Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises décisions par rapport à nos représentations infantiles, à nos rêves d’enfants », rassure le psychologue. « Il y a des choix opérés par des humains, qui se cherchent, se trouvent parfois, que ce soit à l’opposé de la représentation d’enfant, ou en accord avec celle-ci. »
Ce que vos métiers rêvés révèlent de vous
- Savoir que l’on voulait devenir paléontologue à l’âge de quatre ans est-il profondément révélateur de notre personnalité, ou pure fantaisie sans conséquence ?
- Ce métier dont on rêvait peut-il nous apprendre quelque chose de pertinent sur nous-même ?
« J’ai tendance à penser que la ‘“vérité du sujet’’ ne se situe pas très loin de ce qu’était le rêve d’enfant », dit Stéphane Claire, précisant que ces rêves sont, à proprement parler, des désirs. « Et pour la psychologie/psychanalyse, les désirs sont extrêmement importants, a fortiori nos désirs d’enfant. Par exemple, vouloir devenir policier c’est, très souvent, vouloir combattre les injustices. »
La distance (ou non) prise par rapport à ce désir originel peut elle aussi être révélatrice d’une partie de votre identité : avez-vous renié votre métier rêvé pour mieux correspondre aux désirs de vos parents ou encore vous en démarquer, à l’adolescence par exemple ?
Regarder sa carrière avec des yeux d’enfant
Se rapprocher de son désir d’enfant peut-il dès lors nous aider à améliorer notre orientation professionnelle ?
La conférencière TedTalk Ellen Solberg invite à relativiser l’importance de cette question (« que veux-tu faire quand tu seras grand.e ? »), arguant notamment qu’il est compliqué de se définir par un seul métier. De plus, une personne change en moyenne 6 fois de carrière au cours de sa vie, affirme-t-elle.
Examiner ses désirs d’enfant dans leur globalité peut, toutefois, jeter une lumière nouvelle sur notre vie d’adulte. La coach de carrière Ashley Stahl conseille ainsi de se souvenir de ce que l’on aimait, nos goûts, nos passe-temps favoris :
- Passiez-vous votre temps le nez dans les livres, ou à monter des spectacles pour votre famille ? Vous avez certainement l’âme de quelqu’un de créatif et avez peut-être encore besoin (même inconsciemment) de laisser libre court (au moins un peu) à votre imagination.
- Est-ce que passer du temps dehors vous rendait heureux par-dessus tout ? Si oui, votre emploi de bureau pourrait ne pas être aussi épanouissant qu’escompté.
- Qu’est-ce qui vous animait, vous révoltait, vous exaltait à cinq, huit, douze ans ? Il se pourrait que ces éléments soient toujours moteurs, y compris dans votre carrière.
« Une fois adulte, on est soit accompli et heureux, soit un peu moins. Auquel cas on peut essayer de voir d’où vient le malaise, si notre métier n’est pas un élément à changer. Dans cette dynamique, repenser, réutiliser son désir d’enfant peut aider, mais bien dans la perspective plus globale d’une analyse de soi et des représentations inconscientes qui nous habitent », nuance Stéphane Claire. « L’analyse effectuée, on peut assumer les choix faits, ou les regretter et vouloir se rapprocher de sa vérité. Mais ça ne passera pas forcément par un changement. »
Conclusion ? Il n’est donc pas trop tard pour flanquer vos livres de comptes à la poubelle et vous lancer à l’assaut des océans… ou assumer que finalement, vous avez le mal de mer et adorez les chiffres ! La plus belle leçon à tirer de l’enfance est peut-être tout simplement de se laisser aller à ce qui nous rend heureux dans l’instant, sans répondre avec trop de sérieux aux questions des grandes personnes.
Et plus encore :
Si l’enfance peut nous aiguiller sur nos aspirations, certaines habitudes peuvent aussi déjouer notre perception. Imaginez : vous avez rêvé de cet emploi ou de cette évolution mais en poste depuis quelques mois (ou années), cette carrière rêvée prend une tournure un peu fade. Bonne nouvelle, il s’agit peut-être d’habituation hédonique… et vous pouvez y remédier