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Avec le RN de Jordan Bardella, on va taper dans votre «épargne dormante» !

Fonds souverain à la française, voitures thermiques, prix de l’énergie, hausses de salaires… Si Jordan Bardella devient premier ministre après les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, plusieurs mesures du programme économique du RN vous concerneront très directement.

Sept ans ont passé depuis le débat d’entre deux tours de l’élection présidentielle de 2017, au cours duquel Marine Le Pen n’avait guère brillé sur les sujets économiques face à Emmanuel Macron. Aujourd’hui, Jordan Bardella, président du RN, pourrait devenir premier ministre à l’issue des législatives anticipées convoquées les 30 juin et 7 juillet prochains. Or, ce qui n’a pas changé, en sept ans, ce sont «le manque de sérieux et de rigueur du RN sur les sujets économiques», taclent Simon-Pierre Sengayrac, co-directeur de l’observatoire de l’économie de la fondation Jean-Jaurès, André Gaiffier, membre de l’observatoire, et Louis-Samuel Pilcer, maître de conférences en économie à Sciences Po Paris, dans une note publiée le 30 mai.

L’économie, ça ne concerne que les entreprises et les grands de ce monde, vous dites-vous ? Détrompez-vous. Le «fonds souverain» français que le RN entend mettre sur pied, c’est votre affaire. Auditionné le 18 avril par le Medef, Jordan Bardella avait déploré «la sur-épargne des Français, l’une des plus élevées de l’OCDE». Une sur-épargne qui lui sort d’autant plus par les yeux qu’elle «dort». Alors qu’elle serait bien mieux employée à financer la réindustrialisation, les infrastructures nucléaires, la technologie, et les grands projets tout autant que les PME et TPE. D’où son idée d’inciter les Français à placer leur bas de laine dans un fonds souverain qui «garantirait leur capital», précise-t-il. Un fonds que Marine Le Pen verrait bien attirer 500 milliards d’euros d’ici à 2027.

Un fonds souverain, sorte de produit d’épargne garanti

Une ambition «irréaliste», rétorque Catherine Lubochinsky, membre du cercle des économistes, qui a récemment passé au crible le programme économique du RN pour le magazine Challenges. De fait, espérer drainer 500 milliards d’euros d’épargne en 5 ans, soit 100 milliards par an, alors que l’épargne réglementée (liquide et sans risque) augmente de seulement 40 milliards chaque année, voilà qui laisse songeur… Certes, outre la garantie du capital investi, le RN propose une rémunération annuelle supérieure de 2 points à l’inflation. «Mais le RN ne précise pas la durée minimale de placement, ni le coût pour le contribuable en cas d’investissements hasardeux ou de faillites », s’inquiète Catherine Lubochinsky. Et puis, «le lancement d’un grand emprunt d’Etat auprès des Français pour financer “la maison France”, cela reste de la dette !», s’exclamait François Asselin, président de la CPME, dans un entretien à Capital, fin mars.

Dans la même logique de séduction tant des ménages que des entreprises, le RN milite pour une augmentation de 10% des salaires, sans charges sociales ni fiscales. «Mais comment augmenter les salaires de 10% si les entreprises ne peuvent pas répercuter cette hausse sur leurs prix de vente ?», s’interrogeait François Asselin. Démagogie, quand tu nous tiens !

Justement, votre facture d’énergie n’est pas oubliée. Dix milliards d’euros, c’est le coût que représenterait la réduction de la TVA sur l’énergie, de 20% à 5,5%, promise par le RN afin de réduire sa cherté pour les ménages. En plus de son coût, évalué à 10 milliards d’euros par an par l’institut Montaigne, une telle baisse de la TVA aurait un impact très limité sur la baisse des prix de l’énergie, selon le Conseil des prélèvements obligatoires. Le RN s’oppose aussi à l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs, qui entrera en vigueur en 2035 en Europe. Parce qu’ils sont trop chers, dit-il. Un argument «inconséquent, l’Agence internationale de l’énergie indiquant que les nouvelles technologies en matière de batteries pourraient faire baisser les prix des véhicules électriques de 20% d’ici à 2035, alors que les prix des carburants devraient augmenter durablement », dénonce la fondation Jean Jaurès.

Production en France, le RN se contredit

C’est au nom, cette fois, non plus de la protection du pouvoir d’achat des ménages mais des finances des PME, étranglées par «l’inflation des normes», Jordan Bardella veut aussi en découdre avec la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et celle sur le devoir de vigilance. La première renforce les obligations des entreprises en matière de publication de rapports extra-financiers. La seconde permet de tenir les entreprises responsables de leurs impacts négatifs sur l’environnement et les droits humains.

Des impacts «quasi-systématiquement associés à une production hors de l’Union européenne», objecte la fondation Jean-Jaurès. Qui juge donc la position du RN «contradictoire, ces deux directives favorisant nettement la production française». En clair, le RN voudrait supprimer deux textes qui prônent ce qu’il a toujours défendu, la production sur le sol français !

Priorité aux entreprises françaises dans la bataille avec la Chine

Des entreprises que le RN souhaite également protéger de «la guerre économique, avec la Chine, notamment», en instaurant des clauses de réciprocité dans chaque accord commercial et en donnant la priorité aux entreprises françaises dans la commande publique. Mais une stratégie de repli commercial pourrait déboucher sur «une perte pérenne de 3 points de PIB, en raison du ralentissement économique qu’elle engendrerait», s’inquiète la fondation Jean Jaurès. Or le ralentissement économique, ce n’est pas bon pour l’activité des entreprises, et donc pas bon pour l’emploi…

Par ailleurs désireux d’instaurer une «fiscalité de croissance» pour les PME, le RN propose de supprimer complètement la cotisation foncière des entreprises et la contribution sociale de solidarité sur les sociétés. C’est oublier que les plus petites PME sont déjà exonérées de cette dernière, qui ne s’applique qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 19 millions d’euros. Or une telle mesure coûterait pas moins de 10,6 milliards d’euros, chiffre la fondation Jean Jaurès. Pas bon pour les finances publiques !

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