Saint-Jean de Pélussin : François Bayrou mis en cause dans un nouveau scandale de violence scolaire après Bétharram

Responsabilité•Si le cas de Saint-Jean de Pélussin est embarrassant pour François Bayrou, il est aussi un exemple de plus de la frilosité de l’Education nationale à prendre des mesures de protection des enfants face à des soupçons de violence
«Un petit de sixième a été jeté dans les escaliers par un surveillant, il est tombé et a dévalé les marches sur le dos, cet adulte l’a achevé à coups de pied dans le ventre » Ce témoignage, dévoilé par le rapport de la commission d’enquête sur les violences scolaires, remet en lumière le scandale entourant le collège Saint-Jean de Pélussin (Loire), où deux enseignantes ont tenté en 1996, en vain, d’alerter sur des faits de violences physiques et psychologiques commis par plusieurs membres du personnel de l’établissement. Mais les documents rendus publics ce jour relancent aussi les soupçons d’immobilisme entourant François Bayrou, qui était alors ministre de l’Education nationale, et fut destinataire d’une alerte.

Les rapporteurs Paul Vannier (LFI) et Violette Spillebout (Renaissance) ont choisi de mettre en lumière cet établissement, après avoir reçu d’une part une lettre de deux enseignantes lanceuses d’alerte adressée au président de la République Jacques Chirac, datée de janvier 1997 ; de l’autre un courrier de l’association l’Enfant bleu, spécialisée dans l’enfance maltraitée, daté du 25 septembre 1996, et adressé à François Bayrou.
, l’association alerte le ministre de l’Education nationale de l’époque sur le fait que des enfants « se plaignent à nouveau de mauvais traitements infligés par les membres de l’équipe éducative ». « Il s’agirait plus précisément d’humiliations, de châtiments corporels abusifs et de violences physiques », affirme l’association, pointant trois surveillants.

Un enfant au « tympan perforé »
La même année, en mai, le directeur de l’établissement, le prêtre Jean Vernet, a été condamné pour des faits d’attouchements, après l’audition de trente-trois élèves. Mais le calvaire des collégiens ne s’est pas arrêté avec la mise en examen, un an plus tôt, de ce prêtre, ni même avec sa condamnation, en mai. Après avoir alerté sur le cas de cet homme, deux enseignantes relancent en juin 1996 une nouvelle alerte sur trois surveillants. « Un enfant a été violemment frappé par un surveillant, il a le tympan perforé ! » disent-elles dans le courrier envoyé à la présidence de la République. « Le [nouveau] directeur est au courant mais se refuse à intervenir », préviennent-elles. Des plaintes ont été déposées à la gendarmerie, apprend-on dans ces courriers, dont l’une, au sujet de l’enfant au tympan perforée, sera classée sans suite en septembre 1995.
A la rentrée 1996, les trois surveillants n’ont pas été limogés, ni suspendus. « Quelle ne sera pas notre surprise de retrouver toutes ces personnes bien en poste, l’administration n’ayant pas jugé bon de les suspendre », indiquent les lanceuses d’alerte. Malgré les plaintes, aucune mesure conservatoire n’a été prise. Raison pour laquelle les enseignantes s’en ouvrent à l’Enfant bleu, qui rédige un courrier au ministre de l’Education nationale.
Le ministère se défausse sur la justice
« La situation est grave et met en péril l’intégrité physique et morale d’enfants qui courent actuellement un réel danger », alerte l’association. Selon Médiapart, François Bayrou n’aurait d’ailleurs pas été prévenu que par l’Enfant bleu, mais aurait reçu aussi dès juin 1996 un courrier des deux enseignantes : « Récemment, des élèves sont venus se plaindre de châtiments abusifs et de violences physiques mettant en cause trois de nos surveillants et deux de nos enseignants, écrivent-elles. Immédiatement, nous avons informé notre [nouveau] directeur […]. Malheureusement, il continue de nous opposer un attentisme qui nous semble coupable. […] Des enfants sont en danger, nous sommes menacées, nous ne pouvons rester dans cet état. » Elles ne reçoivent aucune réponse.
Le ministre en question, qui avait fait une réponse à l’Enfant bleu mais pas aux lanceuses d‘alerte, selon Médiapart, se contentera d’indiquer six mois plus tard à la présidence de la République, qui semble, elle, bien plus préoccupée et évoque des « accusations graves », qu’une procédure judiciaire étant en cours, « l’action disciplinaire ne peut intervenir qu’après le jugement pénal ». C’est du moins ce qu’affirment les rapporteurs de la commission d’enquête, qui ne dévoilent toutefois pas dans leur rapport le courrier de réponse du ministère à la présidence.
Frilosité à protéger
Si le cas de Saint-Jean de Pélussin est embarrassant pour François Bayrou, il est aussi un exemple de plus de la façon dont l’Education nationale se défausse sur la justice, comme le démontre également le livre Tableau Noir. Violences sexuelles entre enfants, le phénomène massif que l’école ne veut pas voir (Stock). Et une illustration supplémentaire de la frilosité de l’Education nationale à mettre en place des mesures conservatoires de protection des enfants face à des soupçons et témoignages de violences.
C’est l’un des dysfonctionnements relevés par les rapporteurs, qui recommandent de « rappeler aux autorités hiérarchiques que les mesures conservatoires doivent être prises sans attendre le déclenchement ou la conclusion d’une procédure judiciaire, dès lors que les violences signalées apparaissent vraisemblables ».
Quant aux lanceuses d’alerte, leur vie a « basculé », disent-elles, après une série de représailles : « Pressions, calomnies, agressions physiques, représailles sur nos élèves sont devenues notre lot quotidien ». « En soulevant le voile du silence, nous avons connu l’adversité », ajoutent-elles dans ce courrier. L’une d’elles a été limogée. Elles attendraient de la part de François Bayrou « un mea culpa », selon Médiapart