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“On entre dans un monde qui misera sur la co-construction, le partage, le recyclage, le localisme, la vie, quoi !”

Réélue maire de Paris au second tour des élections municipales, Anne Hidalgo livrait, en février dernier, un visage plus intime en répondant à Élisabeth Quin.

Madame Figaro. – Votre bilan et vos promesses vont être scrutés. L’objectif annoncé de zéro émission de gaz à effet de serre en 2030, est-ce réaliste ? Anne Hidalgo. – Nous avons fait baisser de 15% les émissions de CO2 liées aux voitures. 2024, ce sera la fin du diesel. Vous allez sentir à plein nez la différence si vous êtes parisiens. Oui, je désire que 2030 marque la fin des véhicules à moteur thermique dans Paris.

Nous développons également la géothermie, ainsi que le recyclage des déchets et la récupération de la chaleur produite par les data centers. La piscine de la Butte aux Cailles, dans le XIIIe arrondissement, est chauffée de cette façon. La créativité face aux défis environnementaux est essentielle.

L’objectif 100% vélo, c’est formidable et vertueux, mais les travaux qui ont engorgé la capitale pendant des années ont-ils été précédés d’explications ? La pédagogie a-t-elle été à la hauteur ?
Quand on change de modèle et que ce changement est brutal, il faut des explications pour convaincre les réfractaires. Au début des projets d’aménagement, c’était assez compliqué à faire… Il y a eu du brouillage sur la ligne entre la mairie et les administrés

La faute à qui ?
Venir s’expliquer dans les médias était difficile, je me retrouvais toujours dans la position de l’accusée, et le lobby du diesel, nommons-le, qui jouait gros, a tout fait pour empêcher que le message soit diffusé sans distorsions. La rationalité a disparu du débat. Nous savions que ce serait monstrueux, et ça l’a été ! Nous avons mis nos gilets pare-balles. Mais j’ai le sentiment que la grogne s’est calmée…

Les gens ont compris que ce changement de modèle est inéluctable

Les travaux sont presque finis ! Mais les embouteillages continuent…
Les gens ont compris que ce changement de modèle est inéluctable, que nous ne vivrons plus jamais comme avant. La jeune génération a bougé. Les ados, y compris ceux nés au sein des classes dirigeantes hostiles au changement, ont convaincu leurs parents qu’il est nécessaire de mettre plus de vélos et moins de voitures à essence dans nos villes.

Vous parlez d’expérience ?
Oui, j’ai un fils adolescent très impliqué dans l’écologie.

Vous circulez à vélo dans Paris ?
Oui, sur un vélo avec assistance électrique ou sur un vélo traditionnel. J’utilise les deux, mais à la maison j’ai des puristes qui m’engueulent à cause des métaux rares de la batterie, dont l’extraction entraîne des ravages environnementaux. Eux font tout à la force du mollet, moi j’alterne !

À quand remonte votre prise de conscience écologique ?
À l’adolescence. Je suis née en 1959, et je me souviens très bien de la campagne pour l’élection présidentielle de 1974, avec l’ingénieur agronome René Dumont. À 17 ans, je m’intéressais au féminisme, aux utopistes, comme Dumont, et à l’anthropologie à travers les ouvrages sur les tribus amérindiennes des forêts primaires. À 20 ans, j’ai été saisie par les angoisses liées au nucléaire, notamment avec la parution du roman postapocalyptique de Robert Merle, Malevil.

Dans son essai Le Siècle vert, Régis Debray se félicite de la croissante féminisation de nos sociétés, “barrage contre le suicide collectif, puisque la domination des mâles et la destruction de la nature sont allées de pair, l’une n’allant pas sans l’autre”. Féminisme et écologie doivent marcher main dans la main ?
Je suis assez d’accord. Il y a quelque chose de l’ordre de l’appropriation dans les deux cas. La force physique est à l’œuvre pour dominer et asservir les femmes ou pour extraire et ravager. D’un monde construit sur l’appropriation, on entre dans un monde qui misera sur la coconstruction, le partage, le recyclage, le localisme, la vie, quoi ! Dit comme ça, c’est utopique, mais nous pouvons le mettre en pratique.

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