« Le parti socialiste a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940 » : Le raccourci de Jordan Bardella

Le président du Rassemblement national a lancé que « le parti socialiste est la chambre parlementaire qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940 ». Une accusation qui demande à être remise en perspective
L’accusation n’est pas nouvelle. Jordan Bardella, le président du Rassemblement national (RN), l’a remise en lumière dimanche 16 novembre sur le plateau de l’émission Dimanche en politique. Alors que le journaliste Francis Letellier lui rappelait des propos d’Elisabeth Borne, qui avait il y a deux ans qualifié le RN « d’héritier de Pétain », Jordan Bardella a répliqué en visant le parti socialiste, dont Elisabeth Borne était proche avant de rejoindre Emmanuel Macron.
« Le parti socialiste est la chambre parlementaire qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940 », a-t-il lancé, alors qu’une polémique est née ce week-end après la tenue d’une messe en hommage à Philippe Pétain samedi à Verdun. Interrogé à ce sujet, Jordan Bardella a condamné les propos « nauséabonds » tenus à la sortie de la cérémonie religieuse par le président de l’association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain.
En 1940, le Front populaire n’existe plus
Effectuons un retour en arrière avec l’historien Laurent Joly, spécialiste de la période et qui a dirigé le livre Vichy. Histoire d’une dictature, 1940-1944, paru en octobre aux éditions Tallandier. Après la déroute de l’armée française, députés et sénateurs se retrouvent les 9 et 10 juillet 1940 à Vichy. L’assemblée est composée en majorité d’élus de gauche, un héritage de 1936.
Toutefois, la Chambre, qui réunit députés et sénateurs, n’est plus celle du Front populaire. Celui-ci, qui se composait de la SFIO – l’ancêtre du parti socialiste actuel –, des radicaux et des communistes, a volé en éclat. « Le Front populaire n’existe plus depuis 1938, rappelle Laurent Joly. Avec l’avènement du radical-socialiste Édouard Daladier, la France se dote d’un gouvernement centriste et très vite de centre-droit. » Quant aux élus communistes, « la très grande majorité en avaient été exclus après le pacte germano-soviétique [du 23 août 1939] », souligne l’historien.
Près de 30 % des socialistes et des radicaux-socialistes s’y opposent
Si l’on se penche sur le vote des élus, Laurent Joly note que ce sont « les parlementaires socialistes et dans une moindre mesure les radicaux-socialistes qui ont le mieux résisté au projet consistant à remettre les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain ». Près de 30 % d’entre eux refusent de voter ces pleins pouvoirs.

Pourquoi ce choix dans une France exsangue ? « Que dans l’effondrement général, la gauche ait un peu mieux résisté n’est pas un titre de gloire, développe Laurent Joly. C’est même assez logique. La plupart ont flanché. Mais près de 30 % des parlementaires socialistes présents, souvent proches de Léon Blum, ont voté contre le projet tout simplement parce qu’ils étaient attachés à la démocratie et à la République et qu’ils ont eu le courage de l’affirmer malgré le climat incroyablement tendu et menaçant des votes des 9 et 10 juillet 1940. Ils craignaient aussi – le mot était formulé tel quel – l’avènement de la dictature. »

A droite, un seul vote contre
En revanche, parmi les deux principaux groupes de la droite parlementaire, qui étaient la Fédération républicaine et les républicains indépendants, un seul député a voté contre. Celui-ci était le grand-père de l’actuel député Charles de Courson. Il mourut en déportation.
« La droite a en effet voté quasiment comme un seul homme pour le maréchal Pétain parce que ce dernier était proche des milieux conservateurs et que le projet de nouveau régime qui se dessinait se situait à droite et à l’extrême droite, analyse Laurent Joly. Pour la droite, c’était l’heure de la grande revanche sur 1936, le Front populaire et Léon Blum. » Une division qui agite encore la classe politique française.


