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Budget 2026 : La suspension de la réforme des retraites arrive devant les députés, le RN va voter pour…

Le vote s’annonce plus serré que prévu alors qu’une partie de la gauche envisage de se prononcer contre cette suspension, qu’elle juge insuffisante.

La réforme des retraites d’Elisabeth Borne va-t-elle être suspendue par l’Assemblée nationale ? Les députés doivent examiner, mercredi 12 novembre, l’article 45 bis du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS). C’est l’un des moments les plus politiques de ce budget, puisque cette suspension conditionne une absence de censure du gouvernement Lecornu de la part du Parti socialiste.

Or, certains s’attendent à un scrutin être plus serré que prévu. Tour d’horizon des positions des divers groupes parlementaires, dont certains n’ont pas encore officialisé leurs intentions.

Les groupes qui votent pour : PS, RN et Liot
Le groupe de Marine Le Pen a toujours manifesté son opposition à la réforme Borne, quitte à voter pour des projets de loi d’abrogation ou des motions de censure présentées par les oppositions de gauche. C’est dans cette logique que les députés Rassemblement national devraient approuver la suspension. Ses représentants ont voté en ce sens lors du débat en commission des affaires sociales, où cette suspension a été adoptée par 22 voix contre 12. « Tout ce que nous pourrons gratter en faveur des Français qui travaillent, qui souffrent, qui en ont plein le dos et qui ont déjà du mal à aller jusqu’à l’âge de la retraite est bon à prendre », a déclaré Thomas Ménagé, le député RN du Loiret, lors de ces débats.

A priori, le groupe socialiste doit également approuver cette suspension. Ses députés ont voté favorablement au texte lors de son passage en commission des affaires sociales, tout comme à la partie recettes, afin de poursuivre les débats sur la partie dépenses du PLFSS. Cette suspension de la réforme est une concession qu’ils ont arrachée au Premier ministre, en échange d’une non-censure. Le PS a obtenu une autre avancée de la part du gouvernement, qui va déposer un amendement sur l’élargissement de la suspension de la réforme des retraites aux carrières longues. Le groupe socialiste promet néanmoins de rester vigilant pendant les débats, souhaitant exercer une pression jusqu’au bout.

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot), électron libre du Parlement, doit également voter pour la suspension de la réforme des retraites. « Liot était l’auteur de la motion de censure contre la réforme Borne en 2023 », rappelle Harold Huwart, député d’Eure-et-Loir. Une motion rejetée à neuf voix près à l’époque. Si tous les députés respectaient les consignes de vote de leurs groupes, cela ferait 214 voix en faveur de l’article 45 bis du projet de loi de finances de la Sécurité sociale.

Les groupes qui votent contre : LFI, LR et Horizons
Les députés du groupe La France insoumise voteront contre l’article 45 bis. De leur point de vue, la suspension de la réforme des retraites ne vaut pas abrogation. « En réalité, ce n’est pas une suspension, c’est un petit décalage d’un an de la réforme de la retraite à 64 ans. Ça veut dire que ce vote va, s’il a lieu, confirmer la retraite à 64 ans », explique Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis, sur franceinfo. Cette position est critiquée par les députés socialistes. « On voit que les insoumis ont une stratégie globale : ne pas permettre une victoire politique du PS », s’agace l’un d’entre eux. « Aller récupérer des miettes, ce n’est pas une victoire politique. On n’est pas là pour demander l’aumône », rétorque Aurélien Le Coq, député LFI du Nord.

Les Républicains sont fidèles à leur programme présidentiel, qui prévoyait une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite, tout comme à leur consigne de vote favorable à la réforme d’Elisabeth Borne, même si elle n’avait pas été suivie par l’ensemble du groupe à l’époque. Des députés LR ont voté contre la suppression en commission. « On ne peut pas faire croire aux Français qu’ils ne devront pas travailler collectivement plus », défend Justine Gruet, députée du Jura. « Globalement, on devrait voter contre », promet un député LR à franceinfo, assurant qu’il sera néanmoins attentif à l’évolution du débat. « Se prononcer à l’avance sur un texte dont nul ne connaît la version finale est bien trop risqué », juge-t-il, s’estimant « échaudé par l’expérience des dernières semaines ».

Chez Horizons, bien que la formation ait des ministres dans le gouvernement Lecornu, « une majorité du groupe » entend voter contre la suspension de la réforme, précise une source interne au parti d’Edouard Philippe. Ses élus ont ainsi déposé des amendements de suppression de cette suspension. En commission, ces derniers ayant été rejetés, les députés du groupe ont voté contre l’article 45 bis. « On ne peut pas bâtir un compromis sans dire la vérité. Annoncer la suspension de la réforme comme s’il s’agissait d’une issue politique, alors que les fondamentaux démographiques n’ont pas changé, crée une illusion dangereuse », avait estimé Nathalie Colin Oesterlé, députée de Moselle. Une réunion de groupe mercredi doit finaliser les dernières positions « en étant attentifs aux évolutions des uns et des autres ». Si, en théorie, tous les députés des groupes cités suivaient la tendance générale de leur camp, cela porterait à 163 le nombre des votes défavorables à la suspension.

Les groupes qui hésitent ou ne se prononcent pas
Les écologistes et les communistes hésitent entre le vote contre et l’abstention. Les décisions seront prises lors de réunions de groupe dans la matinée de mercredi. « Rien n’est décidé pour le moment », assure une députée écologiste à franceinfo lundi. Comme au PS, le groupe attendait un geste sur les carrières longues. Toutefois, il ne se sent pas lié aux choix des socialistes. « Les groupes de gauche n’ont pas vocation à être la voiture-balai des tractations du PS », martelait la semaine passée une députée écologiste. Au-delà du fond du texte, l’enjeu est aussi l’union de la gauche dans la perspective de futures alliances pour les prochaines échéances électorales. Voter contre, c’est isoler le PS et voter pour, c’est se brouiller avec LFI.

Si les écologistes et les communistes décident de voter contre, les forces s’équilibrent entre le oui et le non, mettant le groupe EPR et le groupe MoDem en position d’arbitres. « Si jamais certains d’entre eux veulent manifester leur mécontentement sur le fait de revenir sur cette réforme qui leur a beaucoup coûté politiquement, ils prendraient le risque de faire capoter le truc », commente un conseiller de l’exécutif, évoquant par là « l’accord de non-censure » entre le PS et Sébastien Lecornu.

Conscient de ce danger, le MoDem affinera sa position mercredi matin lors d’une réunion de groupe. Le mouvement de François Bayrou prépare deux scénarios. Selon un membre du groupe centriste, c’est l’abstention qui est privilégiée. Mais les députés MoDem « peuvent envisager de voter pour si le rapport de force évolue et fait peser un risque sur l’adoption de la mesure et la possibilité de compromis ».

C’est dans un même esprit que Gabriel Attal a appelé ses troupes, particulièrement divisées à ce sujet, à s’abstenir lors d’une visioconférence tenue lundi soir. « La position de Gabriel Attal sera très majoritairement suivie », assure un député Ensemble pour la République. « Le consensus est très large, chacun comprend l’intérêt d’avoir une position commune », ajoute un proche de l’ex-Premier ministre. Certains ont néanmoins décidé de maintenir leur vote contre, à l’image du député EPR Marc Ferracci, ami personnel d’Emmanuel Macron, qui a réitéré son opposition à la suspension, notamment auprès de L’Opinion(Nouvelle fenêtre).

« Qu’il ne s’attende pas à ce que je vote pour cette suppression des retraites », menaçait également une députée du groupe EPR, le 14 octobre, le jour où Sébastien Lecornu a promis de toucher à la réforme Borne pour obtenir la non-censure du PS. Elle expliquait alors devant les journalistes que la suspension passerait sans encombres et qu’en conséquence, elle pourrait exprimer ses convictions en toute liberté. Un mois plus tard, cette analyse semble un peu erronée. Jusqu’au bout, la réforme des retraites apparaît comme un chemin de croix pour les députés macronistes.

Enfin, l’Union des droites pour la République (UDR), formation alliée du Rassemblement national, fait savoir à franceinfo qu’il n’y a « pas de décision de groupe prise pour l’instant ». Elle doit être tranchée mercredi matin. « Nous ne voterons sûrement pas la suspension de la réforme, c’est quasiment certain », ajoute un député du parti.

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